samedi 5 décembre 2009

Les années 2000: une décennie musicale décevante? Episode 4: L'électro ou la fin de l'âge d'or


Une décennie s'achêve et c'est déjà le temps des bilans. En sept épisodes, on va essayer de se repasser le film de ces années musicales, histoire de reprendre le train en marche, de tenter les premières analyses avant de s'engouffrer le coeur léger vers les années dix, forcément passionnantes...

Après le Rock et ses chapelles, on continue notre quête avec ce quatrième épisode consacré à la fin de l'âge d'or de l'électro.

Les Années 2000: une décennie musicale décevante? Episode 4...

L’electro ou la fin de l’âge d’or...


La musique électronique entre dans la décennie en reine victorieuse qui aura, en quelques années euphoriques, réussi à s’imposer à un large public, rendant désuet, presque ringard la scène rock classique. Cette sur cette lancée que le mouvement va s’évertuer dans les premières années de ce début de siècle à conserver ce nouveau leadership absolu. La scène parisienne est, au début des années 2000, encore furtivement le centre névralgique de l’électro, les mondialement adulés Daft Punk sortent leur second album ‘Discovery’ et les princes de Air fournissent une BO en apesanteur, romantique et mélancolique au premier film de Sofia Coppola (Virgin Suicide) avant de sortir un album ambitieux mais inégal (10 000 Hz legend) où ils tenteront sans succès de devenir une sorte de Pink Floyd électro. Les Daft Punk décevront les premiers fans avec un album presque pop au son très influencé années 80. Ils auront tout de même un succès grand public retentissant, mais déjà, les explorations sonores qu’ils portèrent au nu pour aboutir au phénoménal premier album Homework, référence absolue pour beaucoup de musiciens, ont été mises de côté. L’ambition est autre, le succès grisant…

Tout un symbole de l’essoufflement de l’électro qui sera graduel durant ces premières années de la décade. Autre symbole, le seul album sorti par Aphex Twin, icône flamboyante de l’avant-gardisme électro, durant ces années restera Drukqs, paru en 2001 sur Warp. On retrouvera également cette perte de vitesse, ce délitement final, dans l’histoire même du plus gros label français F-Com, monté par Laurent Garnier et Eric Morand au milieu des années 90, il sera au sommet de son art entre 98 et 2002 avec des productions recherchées et des artistes convaincants (Ready Made FC, Mr Oizo, Alexkid, Aquabassino, Scan X, Frederic Galliano), avant d’amorcer un déclin irréversible, autant économique que créatif pour finalement se mettre en sommeil fin 2008.

Beaucoup de labels de musique électronique connaitront une seconde partie de décennie très difficile avec le recul du mouvement et ceux qui sauront tirer leur épingle du jeu auront été ceux qui auront réussi à se remettre en cause et réorienter leur production. Le meilleur exemple en la matière restera l’évolution du label Warp, tête chercheuse pointue électro ambient durant les années 90 ; ils auront réussi à fédérer et faire émerger un grand nombre d’artistes incontournables qui a eux seuls auront révolutionné le genre (on pense à Aphex Twin, Boards of Canada, Autechre, Squarepusher, LFO, Plaid…), qui aura amorcé une ouverture vers des zones mixtes, aux frontières entre l’électro et le rock, en signant des groupes comme Maximo Park, Battles ou Flying Lotus, qui pour les deux derniers portent haut une sorte de free post rock sous grave influence electronica, ou en cherchant aux frontières du Hip Hop avec la signature du génie Préfuse 73 (qui en 2003 avec One Word Extinguisher va sortir un album ébouriffant et d’une fraicheur créative déconcertante, un must de la décennie) ou encore le génial crooner Jamie Lidell qui en live utilise sa voix comme source de sample pour créer sous nos yeux ébahis une rythmique électro dantesque, un grand moment, une fraicheur inouïe. Dans une moindre mesure, le label Ninja Tune résista artistiquement avec quelques signatures de qualité (Amon Tobin, Boom Bip, Jaga Jazzist…), mais perdant tout de même l’influx créatif intense du début des années 2000.

En électro pure, la source de jouvence se tarit donc inexorablement faute d’un renouvèlement créatif suffisant, on parlera certainement de première crise de croissance du mouvement, la fin de l’âge d’or en sorte, comme en son temps le vécut le rock à la fin des années 50. On notera quand même un certain rebond artistique amorcé aux détours des années 2006, 2007 avec l’émergence d’une nouvelle scène et de nouveaux artistes talentueux souvent venus du nord (Nathan Fake, Trentemoller, Lindstrom, Digitalism) et surtout le triomphe d’un ilot électro recentré sur son cœur, tel le petit village gaulois luttant farouchement contre l’envahisseur romain, avec la constance du mouvement minimaliste de Berlin et l’immense rôle joué par la DJ homérique Ellen Allien, fondatrice d’un des labels les plus excitants de la décennie Bpitch Control (on écoutera avec délectation son premier LP Berlinette et son fabuleux album avec Apparat ‘Orchestra of Bubbles’).

On mentionnera également la scène Dub Step londonienne avec entre autres le rafraichissant Burial ou encore Martyn. Heureusement quelques valeurs sures du mouvement techno/house béni des années 90 vont nous faire hurler de plaisir tout au long de ces dix années : on notera la constance des Chemical Brothers et de Laurent Garnier qui excelleront en live/DJ Set pour rester de véritables attractions dont on ne finira jamais par se lasser…

Au rayon des habitués de l’electro pop expérimentale Bjork et Tricky sortent une nouvelle fois leur épingle du jeu. Avec le sublime et éthéré Vespertine de 2001, formidable comptine hivernale ou le parfait mariage de sons électro recherchés et décalés, de chœurs monumentaux, d’une orchestration classique impériale avec la beauté mélodique et romantique de l’Islandaise, Bjork poursuit ses explorations sonores à la recherche d’une harmonie entre avant-gardisme électro et pop music. Elle prendra une nouvelle direction tout aussi courageuse et innovante en 2004 avec l’album Medulla, uniquement orchestré par des voix humaines. Une nouvelle grande réussite pour ce petit génie…

Mais en réalité, le vrai coup de force de la décennie est à chercher du côté du mélange des genres, de l’entremêlement de différents styles, de différents mouvements autour d’une idée du groove et de son expression.

A suivre l'épisode 5: La décennie du Cross-over...

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